Question : Ma mère veut tout savoir sur ma vie privée : mes sorties, mes voyages, même des détails comme les hôtels ou des photos que je ne souhaite pas partager. Elle me pose beaucoup de questions, et parfois je mens pour éviter de l’attrister ou de créer des tensions. Par exemple, je lui dis que je ne suis pas sortie, ou que je n’ai pas apporté de repas à ma belle-famille, alors que je l’ai fait. Elle compare tout ce que je fais pour mes parents et pour ma belle-famille, allant jusqu’à calculer le nombre d’heures passées chez chacun. Cela crée de la pression, alors j’ai décidé de ne plus lui parler de mes bonnes actions ni de mes efforts. Même lorsque je lui fais un rappel sur un jeûne surérogatoire, elle revient ensuite me demander si je l’ai jeûné et si mon mari aussi, ce qui me dérange car je veux que cela reste entre moi et Allah.
Ma question est : est-ce permis de mentir dans cette situation pour préserver la paix et éviter les conflits ? Et comment gérer cela sans me sentir mal ?
Réponse
Oustadha : Qu’Allah facilite la sœur. Les parents doivent toujours être respectés. Si la mère, d’un certain âge, désire voyager ou sortir, la fille a le devoir de bien se comporter avec elle et de lui obéir. Une solution, quand on ne peut pas dire la vérité, est d’utiliser le principe de la tawriya, c’est-à-dire de ne pas mentir directement, mais de cacher la vérité par une ambiguïté.
L’interlocutrice : C’est-à-dire que si elle rend visite à sa mère, elle peut sortir avec elle. Mais le père (le mari de la mère) s’y oppose.
Oustadha : Le mari de la mère.
L’interlocutrice : Son père ne veut pas que sa mère sorte. C’est ce qu’elle a expliqué. Donc, même si la fille souhaite faire sortir sa mère, elle ne le peut pas car le père s’y oppose.
Oustadha : Dans ce cas, la fille doit être patiente avec sa mère. Quand elle lui rend visite, elle doit lui acheter des cadeaux et passer beaucoup de temps avec elle pour la réconforter. Tant que le père ne laisse pas sortir la mère, on peut rester avec elle, avoir une bonne communication, beaucoup lui parler pour la réconforter. On peut aussi lui apporter des cadeaux pour compenser son manque de liberté.
L’interlocutrice : Compenser, en fait.
Oustadha : Oui, compenser le temps. La fille doit rester beaucoup avec sa mère. Elle disait que sa mère voulait sortir, mais que son père ne voulait pas. Si le père ne veut pas, le mari ne peut pas faire sortir sa belle-mère.
Pour compenser, tu peux rendre visite souvent à ta mère, l’appeler, lui montrer que tu l’aimes et que tu t’intéresses à elle, mais sans lui mentir. Franchement, ce n’est pas autorisé de mentir. On peut avoir un bon comportement avec sa belle-mère et son beau-père sans mentir à sa mère. On peut faire beaucoup de choses sans mentir.
L’interlocutrice : Pour le jeûne, quand sa mère lui demande si elle a jeûné (par exemple, pour Arafat ou Ashura), et qu’elle souhaite…
Oustadha : Oui, c’est autorisé de lui dire que tu as jeûné. Cela peut même avoir un effet positif.
L’interlocutrice : Moi, je sais que ma mère fait ça, mais parce que…
Oustadha : C’est autorisé. Si quelqu’un te demande si tu vas jeûner Arafat, tu peux répondre oui. Ce n’est pas mentir, car on ne mentirait pas pour un mensonge qui serait haram.
L’interlocutrice : Oui, bien sûr. Mais ce n’est pas du riya’ (ostentation) ?
Oustadha : Non, voilà. Moi, je sais que ma mère, des fois, elle me demande, mais c’est parce qu’elle aussi le fait. C’est pour se mettre dans le même bateau, on va dire. Ça veut dire qu’on ne veut pas nier cela. Quand elle me rappelle le jeûne d’Achoura, je lui dis que je vais jeûner. Ainsi, dans la niya (intention), c’est que je l’aide à jeûner. Ce n’est pas du riya’. Ces petites choses, on peut les faire. Il faut donner le droit à la mère et lui rendre visite souvent. Franchement, la mère a un grand droit. Il faut lui rendre visite souvent, avoir un bon comportement et la consoler avec des cadeaux et des mots doux.
L’interlocutrice : Dans ce cas, si la mère compte le temps que sa fille passe avec sa belle-famille et le temps qu’elle passe avec elle, est-ce que c’est le devoir de la fille de passer exprès plus de temps chez sa mère ?
Oustadha : C’est mieux, oui. C’est mieux.
L’interlocutrice : Pour ne pas la vexer ?
Oustadha : Elle a plus de droits que sa belle-mère.
L’interlocutrice : Que sa belle-mère, voilà. Donc si elle reste quatre heures chez la belle-mère…
Oustadha : Peut-être que la sœur s’est trompée et qu’elle passe beaucoup de temps avec sa belle-mère. C’est bien de le faire, mais on doit rester plus longtemps avec sa mère. Le temps passé avec la mère doit être double par rapport au temps passé avec la belle-mère. Si tu restes cinq heures là-bas, tu dois rester au moins six heures avec ta mère. Si tu vas chez ta belle-mère aujourd’hui, tu dois aller chez ta mère demain.
L’interlocutrice : Une sœur m’a dit : « Attention, c’est le mari de la sœur qui ne veut pas qu’elle sorte. » Mais juste au-dessus, elle a dit que mon père n’était pas de cet avis. C’est pour ça que la question est…
Oustadha : Si c’est le mari de la sœur, ce n’est pas un problème. Quand elle visite sa mère, elle peut sortir avec elle. Ce n’est pas un problème.
L’interlocutrice : Oui, oui. Si c’était comme ça, la question d’après… je comprends. Si son mari est contre la sortie de la mère, quand je visite ma mère, je peux la faire sortir parce que c’est son acte. Dans tous les cas, si le mari est d’accord, le mari de la mère, donc le père de la sœur, s’il est d’accord, il faut qu’elle le fasse…
Oustadha : Mais c’est son mari à elle qui ne veut pas. C’est ça. C’est-à-dire qu’on va chez elle, et qu’elle reste avec la mère… il faut une connexion avec elle.
L’interlocutrice : Oui, donc s’il ne la sort pas, elle va chez elle et elles font à manger ensemble.
Oustadha : Oui, elle fait à manger, elle prépare le repas. Elle lui achète des cadeaux. Elle compense, en fait, le manque que sa mère a. C’est ça. C’est ça.
L’interlocutrice : C’est un petit peu complexe, mais en tout cas…
Oustadha : Amen. Protège ta mère. Fais attention à elle, peut-être qu’elle est triste. J’ai beaucoup de compassion pour la maman. Ce n’est pas la vie qu’elle a eue. Peut-être qu’elle a des besoins. Il faut patienter.
L’interlocutrice : Une sœur me demandait, et je trouve ça intéressant de poser la question, si on a le droit de mentir pour cacher ses bonnes actions. Par exemple, si quelqu’un demande à une sœur où elle en est dans sa lecture du Coran, combien de juz’ elle connaît. Des fois, on n’a pas envie de répondre, même si la question est normale.
Oustadha : Normalement, si elle te questionne et que tu n’as pas peur du mauvais œil (‘ayn), tu peux lui dire. Sinon, tu peux essayer de faire la tawriya, sans mentir. Tu peux dire par exemple : « J’ai été fatiguée ces jours-ci, je n’ai pas lu beaucoup. » C’est-à-dire que tu ne mens pas, mais tu utilises l’ambiguïté.
Je vais te donner un exemple. Quelqu’un qui lit beaucoup le Coran mais qui a peur du mauvais œil peut répondre, quand on lui pose la question : « Par rapport aux compagnons, je ne lis pas beaucoup. »
L’interlocutrice : Oui, d’accord. À comparer aux compagnons.
Oustadha : Oui, par rapport aux compagnons, je ne lis pas beaucoup. Je fais beaucoup de prières, mais par rapport à eux, c’est peu. Tu vois, ça s’appelle la tawriya. C’est une façon d’éviter de mentir, car il est interdit de mentir.
L’interlocutrice : Moi, je sais que quand on me pose des questions gênantes, je me débrouille pour ne pas répondre.
Oustadha : Oui, c’est mieux, parce que des fois, tu n’as pas envie de répondre.
L’interlocutrice : De toute façon, il faut éviter que les sœurs posent des questions indiscrètes, c’est ça…
Oustadha : Oui, les sœurs parlent dans le cadre d’un apprentissage. C’est différent. C’est un apprentissage qui crée ce qu’on appelle une saine concurrence. C’est bien de voir son ami étudier et d’avoir envie de l’imiter. C’est le cas pendant le Ramadan, ou à l’université, où l’on se motive les unes les autres. C’est une bonne chose d’avoir de la concurrence dans ce sens.
L’interlocutrice : Pas dans la curiosité mal placée. L’apprentissage, ce n’est pas grave.
Oustadha : Oui, moi, je parlais vraiment de la curiosité mal placée. Il y a des sœurs qui peuvent être gênantes, mais pas dans l’apprentissage, bien évidemment.